Cabaret
Ni réel, ni acteur
" Dehors beaucoup de choses se sont transformées. Je ne sais pas comment. Mais en dedans, et devant moi, mon Dieu, en dedans, devant toi, spectateur, ne sommes-nous pas sans action ? Nous sentons bien que nous ne savons pas le rôle, nous cherchons un miroir, nous voudrions nous défarder, renoncer à toute feinte et être véritables. Mais quelque part est encore sur nous un morceau de travestissement, que nous oublions.Une trace d'exagération demeure dans nos sourcils, nous ne remarquons pas que les commissures de nos lèvres sont repliées. Et nous allons et venons ainsi, ni réels, ni acteurs. " R.M. Rilke
On frappa violemment à la porte
*
" Je ne pus m'empêcher de dire : « Merde, c'est pas vrai ! » J'avais bondi sur mes armes, deux de mes colts 45 à la ceinture et une mitraillette dans les mains. Francine sommeillait.
« Vite, réveille-toi...les flics sont là. ».
Elle me regarda, étonnée...puis réalisant :
« Oh! non, c'est pas vrai ...Oh! non, chéri ! »
Je n'avais pas de temps à perdre.
« Couche-toi à terre, je vais tenter ma chance... Adieu, fillette. » J.Mesrine
Prunelle
" Son obsession le matin : s'assurer qu'elle était bien là sa "pierre". La Pierre de Paraskévi ! Non c'est pas un joyau : c'est son calcul biliaire. En sortant de l'hôpital on le lui avait mis dans un petit bocal, elle aimait bien le faire remuer comme un maracas en ricanant... Elle y tenait comme sa prunelle !" M-E Nabe
Un autre monde
" Le chemin du retour nous ramène par un autre monde; car, outre l'obscurité, il ya une brume qui monte de la mer. Un chapelet de minuscules lumières scintillantes marque la ligne de la côte, de l'autre côté du golfe, où se gonfle la houle des montagnes, paisibles, somnolentes. Corinthe (la nouvele Corinthe) est engloutie dans une sueur froide qui pénètre jusqu'aux os. H. Miller
Éléonore et Félix
Aimer
" J'ai aimé, voilà ce que je trouve à dire. Comment cela se peut-il ? et c'est fini. Jusque-là tout encore était possible. Rien dans la vie n'était décisif, puis je suis tombé sur le destin. J'ai aimé. Ceci est irréparable. Cette clarté se perpétue. Il règne avec elle un principe de la destruction. Il me semble que j'apprends désormais à mourir. Les faits les plus simples s'infléchissent d'un accent insolite et j'éprouve à tout propos le frisson passager des présages. Ainsi le temps prend sa ravageuse origine dans l'essence même des passions. Dans le silence, il se forme une idée extravagante et terrible. Alors vous commencez à vieillir." L.Aragon
Coïncidence
" Fiacre, soulier, chapeau, camembert, dancing, ministère, amitié, affaires, pantalon, gazomètre. Bois de la bière et fais-toi grand-père. L'aurore est horrible. Hoquet de none. Encore un petit pas et tu es arrivé." T. Tzara
Malgré la présence des livres, on étouffe ici
" Même quand il semble ne rien arriver, on ne peut en conclure qu'il n'arrive rien. Il arrive toujours que quelque impact psychique initie une chaîne de réactions, crescendo vers la catastrophe. Chaque millième de seconde possède ainsi une valeur cumulative contribuant à l'usure de la corde qui doit se rompre." G. Wittkop
Pas plus
chambre 2634
Existence
" Je suis là comme un meuble oublié, superflu. Parfois je peux entendre le temps gronder en moi comme dans un tuyau de chauffage. Parfois je suis au cinéma et le film passe pour moi. Je trouve que mon existence n'est ni dure ni aride. Je ne ressens rien du tout. Pourtant, il y a pas longtemps, j'ai été saisi d'effroi quand un orage a éclaté..." P.Nizon
En plein air
" L'école ferait bien d'observer un silence respectueux sur la notion de génie en lui jetant de côté un regard entendu. Elle ferait bien de le garder comme un secret dans une chambre close. Un secret qui, quittant son état de latence, risquerait fort de poser des questions contraires à la logique et au bon sens. " P.Klee
Une grosse partie
Blanc sur blanc
" Dans ses lettres, Van Gogh se demande s'il ne pourrait pas peindre directement en blanc sur un mur blanc. Cette question ne présente aucune difficulté pour un non-naturaliste, qui se sert de la couleur comme d'un son intérieur. Mais elle apparaît à un peintre impressionniste - naturaliste, comme un audacieux attentat contre la nature. " W.Kandinsky